Interviews/ Rencontres

Interview de Loïc Martin – Martin Boire & Manger

Samedi le « Martin – boire & manger » a fêté ses 3 ans !  A la tête de ce repère d’épicuriens, Loïc, un gastronome souriant et débonnaire, ancien rugbyman qui a roulé sa bosse en Angleterre et à Madrid pour finir à Paris. De ses expériences est né le « Martin » un lieu où il fait bon vivre, bon faire la fête et bon manger sain. Pas avare en temps Loïc nous fait même visiter sa cuisine où les petits crabes verts côtoient foies de lottes et autres topinambours… le tout sur fond de Steely Dan, chef australien oblige. Rencontre avec un personnage passionné et haut en couleur.

 

Salut Loïc, le « Martin » c’est quoi : un bar ou un restaurant ?

Bonne question ! On a un positionnement hybride : à la fois un bar pour boire des coups et un restaurant pour bien manger, comme les pubs à l’anglaise. Notre ligne c’est de rester entre les deux « boire & manger ». C’est un positionnement qui, pour les français, est assez bizarre.

 

Commençons par le « manger ». Ce fut dès le début quelque chose de fondamental ?
Oui c’est notre signature. On propose des petites assiettes à partager en utilisant au maximum des produits de la meilleure qualité possible. C’est pourquoi on est à 95% en circuit-court ! C’est un travail de longue haleine entamé il y a plusieurs années. Pour commencer, j’ai un jardin potager à Cosne-sur-Loire en Bourgogne. Pour nos autres producteurs, on choisit au feeling, aux recommandations, au regard de nos expériences passées… Maintenant on est plutôt bien entouré !

 

Je sens une pointe de fierté…

Un peu. C’est un travail qui a été fait conjointement avec Au Passage (restaurant situé passage Saint-Sébastien, Paris 11, partenaire du « Martin »). On aurait pu basculer dans la facilité et nous tourner vers Metro et Rungis (deux outils qui ont apporté beaucoup de choses et qui sont encore aujourd’hui indispensables et importants). Mais pour nous, bien que le circuit-court soit plus onéreux, on y trouve notre intérêt à double titre : les produits sont meilleurs et on rémunère directement les producteurs.

 

Circuit-court n’est pas synonyme de moins cher pour toi ?

Pour nous non. Parce que le producteur ajoute des coûts qui nous sont directement répercutés, comme la livraison en camion réfrigéré. Je pense notamment à Guillaume, notre éleveur de porc qui vient nous livrer une fois par semaine. Mais, même si le prix est plus élevé on a un animal de bien meilleure qualité et en plus on rémunère directement l’éleveur. Pour nous, le prix n’est pas le facteur déterminent…

 

Ton raisonnement se rapproche de la bio. Tu penses quoi du bio en général ?

Si on parle du label, on ne préfère pas le mettre en avant. Comme tous les labels, il y a eu tellement d’abus… Au « Martin », on aime bien que ce soit l’assiette qui parle ainsi que le retour client.
En revanche si on parle de la philosophie, des valeurs de l’agriculture bio, on adhère à 100% !

 

Même si tu ne le mets pas en avant, dans ta façon d’acheter, la bio est-il un plus ?

C’est indispensable ! Pour moi il est important que les gens regardent les produits plutôt que les labels. Au « Martin » on achète à des producteurs, on n’achète pas des marques ou des labels. Notre jardin à la campagne n’a pas de certification bio (parce que jamais demandée, ndla), mais on y travaille de la manière la plus naturelle possible.
Ce qui est important pour nous c’est le produit au final. Quand un gars nous dit qu’il fait du bio : dès que l’on voit le produit arriver on sait très vite comment les produits ont été traités.
C’est la relation producteur – restaurateur, et plus largement producteur – consommateur, qui doit redevenir au centre.

 

La bonne bouffe que tu mets en avant au « Martin » t’es venue comment ?

C’est le résultat d’un cheminement, d’une évolution personnelle… La première étape a été le Gourbi Palace, le premier bar-restaurant que j’ai ouvert rue Albert Thomas, Paris 10. Puis il y a eu la rencontre avec l’équipe du Passage. Cette rencontre m’a ouvert les yeux sur les vins natures sur les produits : le plus important n’est pas le prix mais ce qui ressort du produit.
Je vais te donner un exemple simple : la carotte de chez Metro. Elle a quelques semaines, les fanes sont pourries, la peau est flétrie donc tu n’exploites que le cœur de la carotte. Et c’est con. Nous avec la carotte de notre jardin bourguignon que l’on a ramassé lundi, on la sert mardi et on exploite tout : fane, peau, cœur. Et puis elle a un vrai goût ! Donc au lieu d’en mettre deux pour faire de la quantité, on va en mettre une demi… en goût on y gagne tellement. C’est pour ça que le circuit-court est la bonne solution.

 

Après le « manger », passons au « boire ». Tu parlais des vins natures…

Au risque de déplaire, je pense que le vin bio n’a pas d’intérêt. Il faut aller plus loin avec des vins naturels. C’est ce que nous proposons au « Martin ».
Pour comprendre les vins natures il faut comprendre les vignerons… Vu les soucis climatiques et de champignons qu’ils ont connu les années précédentes, on peut comprendre leur frilosité. Mais le bio reste à mes yeux une étape… L’étape d’après c’est le Demeter ou la biodynamie. Et puis encore un cran plus loin c’est le vin nature.

 

Le vin nature c’est souvent des vins difficiles à appréhender…

Non, plus maintenant. Les vignerons ont tellement expérimenté ces 10-15 dernières années que maintenant ils maitrisent leurs vignes, ils savent comment driver leur vinification pour avoir un vin plus conventionnel, plus soyeux, moins typé nature… Le secret réside dans la maitrise des process de vinification et de fabrication. Mais cela a pris du temps de réapprendre le savoir-faire, les gestes des anciens.
Preuve de la qualité de leur travail, les vins natures se gardent maintenant : le plus vieux que l’on a bu c’est un vin qui avait 8 ans, c’était délicieux.

 

Il y a le label bio, le Demeter … et pour le vin nature ?

Il n’y a pas de label sur les vins natures. Le label se rapprochant le plus serait le label « vins S.A.I.N.S (Sans Ajouts d’Intrants Ni de Sulfites) ». Mais ce qu’il faut comprendre c’est que paradoxalement nous sommes encore dans les jeunes années du vin nature… L’important au final c’est, comme pour la bouffe, c’est le goût que tu vas avoir dans le verre. Faire pisser les vignes c’est pas respecter la terre, le cépage… Cela n’a jamais permis de faire du bon vin.

 

L’exploitation intensive des vignes c’est là le problème ?

Le problème c’est que maintenant le vigneron ne fait que du vin. Avant il y avait la ferme avec les vaches, le potager, les céréales. Ils étaient diversifiés donc ils pouvaient vivre même si, une année, la récolte de raisin était catastrophique…
Maintenant on est sur des exploitants mono-produit. Il y a peu de vigneron qui vont avoir des céréales, des fruits… Cette hyper spécialisation est assez unique en agriculture ! Et pousse à produire avec excès.

 

Merci Loïc pour ces échanges qui nous incitent à essayer de trouver du sens et à agir en conséquence. Quelles sont les prochaines étapes du « Martin » ?

On vient de fêter les 3 ans du « Martin » !
La prochaine étape va être en janvier : on ouvre un restaurant ! Cette fois ce sera moins rural : on fait un vrai restaurant de chef avec Peter notre chef australien. Ça va être un bel endroit avec une cuisine entièrement refaite et ouverte, avec nos vaisselles sur mesure faites par notre artisan potier du Cher. Ce sera un restaurant très clair un peu à la londonienne : un mobilier clair, une salle claire, un staff clean mais pas trop guindé. On veut que ça reste un peu brut, un peu rock.

 

Encore un lieu hybride en somme…

Oui… Je crois que c’est ça notre ADN : sortir du conventionnel et offrir une nouvelle expérience aux gens.

 

« Martin – Boire & Manger »
24 boulevard du Temple – 75011 Paris
Ouvert du mardi au samedi de 16h à 2h

Découvrez le compte instagram du « Martin – Boire & Manger » 

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2 Commentaires

  • Reply
    BIOVOR - Interview de Pierre Schneider, co-fondateur de Mappiness
    3 août 2018 at 11 h 46 min

    […] Tu parles de producteurs mais ne souhaites-tu pas créer tout le process de transformation, un peu à l’image de certains restaurants comme le « Martin Boire & Manger » ? […]

  • Reply
    BIOVOR - Où acheter ou consommer du BIO à Paris
    16 août 2018 at 20 h 16 min

    […] existe de plus en plus de restaurants BIO ou sensibles à l’utilisation de produits BIO comme le Martin Boire & Manger. Mais il en existe foule surtout à Paris. Voici quelques restaurant qui ont retenus notre […]

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