D’aucuns disent que le métier de paysan se transmet de génération en génération… Pour Geoffroy Champin, la ferme de La Chalotterie c’est une affaire de frères et d’opportunités avant d’être une affaire de famille… Portrait d’un éleveur innovant.
La Chalotterie est une ferme qui s’étend sur 60 hectares où sont élevés des vaches laitières mais aussi des poules et des porcs. En parallèle La Chalotterie fait également office de pension pour équidés, de lieux de réception pour mariage et autre séminaire…
La Chalotterie est donc un lieu pluriel. Un peu à l’image de Geoffroy l’un des deux frères à la tête de cette exploitation : « mon frère s’occupe d’une pension de chevaux qui a toujours existé ici ; moi j’ai développé la ferme avec les vaches laitières. »
L’amour des vaches
Geoffroy a acheté l’exploitation « en ruine », il y a 10 ans et a démarré tout petit « avec 4 vaches ». Elles étaient alors dans un vieux hangar avec de vieilles stabulations, le foin était sous une bâche… Maintenant La Chalotterie est une exploitation avec un cheptel 15 vaches laitières, 40 génisses… Des jersiaises essentiellement et quelques Simmental. « Nous ne sommes pas loin des 60 bêtes ».
Mais pour Geoffroy ses vaches ne sont pas que des productrices de lait… elles sont (bien) plus. Une vache c’est avant tout un patrimoine génétique et historique. C’est malicieux qu’il nous raconte : « les jersiaises ont un petit gabarit donc on pouvait les mettre dans les bateaux. Ce sont les vaches qui débarquaient dans tous les pays découverts par les anglais (Etats-Unis, Nouvelle-Zélande, Afrique du Sud) : en somme elles étaient le distributeur de lait frais sur une embarcation ! »
Au-delà du patrimoine que représente une vache c’est un vrai lien qui s’opère entre Geoffroy et ses vaches : entre les gourmandes, les culottées, les curieuses et celles qui sont « toujours en train de se plaindre », il confesse avoir « ses vaches préférées », ses premières jersiaises.
La Jersiaise est la race majoritaire de son cheptel. Elle a un petit gabarit comparé à la vache laitière de référence la Holstein. Mais pourtant elle a un lait dont le taux de matière grasse est quasiment le double et environ 30% de protéines en plus même si la production est moindre « je ne fais qu’une seule traite par jour pour améliorer le rendement en matière utile, pour avoir un lait plus riche, plus nourrissant ». Et c’est ce taux que regardent les fermiers placés dans une optique de transformation « je raisonne en taux de protéine et taux de matière grasse et pas en terme de volume ». Avec un lait qui va avoir quasiment 60% de matière grasse et 40% de protéines, cela en fait un lait très riche, qui a plus de goût… Et il confesse, un brin désolé, « le gout est dans le gras… et le gras c’est la vie. »
Look behind to see further
Avec l’exploitation laitière, la pension de chevaux, et la location de lieux de réception, La Chalotterie rencontre un succès certain… Pourtant Geoffroy n’est pas « né paysan ». Certes ses grands-parents étaient agriculteurs-éleveurs puis apiculteur (« et l’un des premiers à utiliser des ruches en plastiques » nous précise fièrement Geoffroy). Mais à cette époque les gens qui exerçaient un métier manuel pénible voulaient que leurs enfants fassent des études et obtiennent un diplôme afin d’avoir la possibilité de faire un métier moins physique : « mon père a fait des études et il y a fait un métier qui n’a rien à voir avec l’agriculture : commissaire-priseur ». Opposition radicale ! De cette famille dichotomique, Geoffroy a choisi d’embrasser la même carrière que son grand-père : l’agriculture. D’ailleurs quand on lui demande sa profession il se définit comme agriculteur et non comme éleveur : « c’est l’Agriculture qui me permet d’avoir une belle herbe qui nourrit ma vache et qui va me permettre d’avoir du bon lait et donc des bons produits… »
Après des études de droit et un master en vin, Geoffroy choisi de prendre un virage à 90 degrés et de se former pour devenir éleveur. Il part alors un an en Californie dans une exploitation en bio–dynamie de maraichage et élevage de moutons et de vaches. Les bases éthiques de sa future exploitation se posent…
Pour Geoffroy le plus important dans l’élevage de ses vaches c’est la nourriture. Et l’idéal c’est de coller le plus possible « sur la pousse de l’herbe ». Pour notre exploitant, « ce qui légitime le bio c’est le fait que ce soit la meilleure manière de produire du lait, la manière la plus naturelle ». C’est de cette conviction que découle ta façon de travailler actuellement. Une conviction acquise dès son initiation californienne.
Innover pour avancer
C’est à force de conviction et d’innovation que La Chalotterie est devenue un superbe domaine. Car Geoffroy a l’innovation chevillée au corps. « Une fois que tu as développé des trucs qui tournent tu passes à autre chose. » C’est ainsi que sont venus les porcs au sein de l’exploitation : une opportunité comme nous l’explique l’éleveur : « Comme je faisais de plus en plus de tome je me retrouvais avec beaucoup de lactosérum. On peut en faire de la ricotta mais j’ai une trop petite clientèle pour ce type de produit pour tout écouler… Après des tests sur des poules, je me suis tourné vers les cochons qui raffolent de ce produit. Au départ cela nous aidait dans la consommation du surplus de lactosérum et puis aussi pour notre consommation personnelle… Et puis on s’est vite pris au jeu… » Maintenant ils ont deux truies et une quarantaine de petits cochons tous les ans. Comble de l’histoire, la ferme commence à être à court de lactosérum !
La diversification du cheptel c’est venu de la même volonté d’innover. Avant il n’y avait que des jersiaises mais Geoffroy a voulu diversifier avec une race qui serait mixte. « La Simmental s’est imposée naturellement » : elle a un bon rendement et peut être réformée à l’âge de 6 ou 7 ans : âge de son déclin en terme de production laitière mais âge de son apogée en terme de viande. Hélas bien que la viande et le lait soient produit dans les conditions du label Agriculture Biologique, la viande, découpée dans un abattoir non certifié, ne peut bénéficier du précieux label…
D’ailleurs quand on lui demande les raisons de l’engouement pour le bio, il recentre vite le débat sur le contact avec le producteur. « Quand les gens viennent dans ma boutique à la ferme c’est parce que les produits sont bons et fait sur place. C’est un rapport vrai, direct ! ». Sans se vouloir porte-parole de la profession il pense que « le moteur de nos métiers c’est la passion ; il n’y a pas de raison que qu’un agriculteur ne fasse pas ses produits avec toute mon âme ! ».
Et pour cette nouvelle année, quelle sera sa prochaine innovation ? C’est avec un grand sourire qu’il nous annonce « Pour 2018, ce sera Biovor ! »
Un grand merci à Hélène Frèrebeau qui nous a accompagné et éclairé de son bon sens !
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