Direction l’Anjou et plus précisément sur les coteaux de l’Aubance, au domaine de Bablut. Nous avons rencontré Christophe Daviau héritier du domaine familial dont il a repris les rênes en 1989. Il a transformé cette exploitation agricole en une référence pour ses vins produit en agriculture biologique puis biodynamique. Rencontre avec un acteur engagé depuis plus de 20 ans dans la culture raisonnée.
Bonjour Christophe, racontez-nous comment est né l’idée de faire du 100% bio.
Comme pour beaucoup de bouleversement majeurs c’est une rencontre, avec Mark Angeli, qui a permis au domaine de Bablut de passer en 100% bio. Elle a eu lieu en 1992 ; dès 1993, sous l’impulsion de Mark, je lançais 3 hectares en bio.
Rapide comme prise de décision !
Oui et non. Avant ma rencontre avec Marc, j’avais déjà des convictions.
La première c’est que quelque chose clochait. La façon de produire du vin avait changé. Le botrytis* et l’araignée rouge n’avait jamais posé de problème pendant des siècles et tout à coup, à la fin des années 80, ce sont les ennemis numéro 1 de la viticulture… On apprendra plus tard que le botrytis s’est développé à cause des feuillages tassés et de l’excès de la lutte chimique ; tandis que la prolifération de l’araignée rouge était dû à un pesticide qui avait tué son prédateur naturel.
Ma seconde conviction (qui est aussi mon leitmotiv) est la concordance cépage-terroir. Le bon cépage au bon endroit avec le bon climat et le bon sol. Si on change un paramètre alors on perd la bonne conjonction qui va faire que la plante va s’épanouir.
*Le botrytis est un champignon également appelé « pourriture grise » mais considéré comme de la pourriture dans certaines régions de vin liquoreux comme ici sur les coteaux de l’Aubance.
Quelles ont été les étapes suivantes ?
La première étape a été de mettre en place une lutte raisonnée. Dès 1991 nous baissons de 50% l’utilisation de nos herbicides et on utilise des produits qui préservent la flore auxiliaire (nous avons notamment réintroduit le typhlodrome, prédateur naturel de l’araignée rouge). Le résultat été très rapide : en 3 ans on a vu une nette amélioration qualitative.
La deuxième étape a été la mise en place d’une culture raisonnée avec la concordance cépage-terroir. Pour se faire, j’ai rapporté d’un stage de fin d’étude chez Remy Martin en Australie, une technique maitrisée depuis 1985 et très utilisé dans le « nouveau monde » : le surgreffage. Il s’agit de changer de cépage en surgreffant la vigne. La première année a été un échec partiel : le surgreffage n’a pas pris car les bouts avaient gelé, mais j’avais rencontré Marc Angeli…
Et vous posiez alors les premières pierres à un passage en tout bio…
Nous sommes en 1993 et nous sortions d’une année compliquée avec une forte pression Mildiou. Avec en plus le surgreffage qui présente un vrai risque économique, nous n’étions pas serein. Cependant, nous avons choisi (en accord avec mes salariés) de faire le pari du bio sur 3 hectares dans un premier temps… Puis, naturellement en 1996 nous avons converti 100% du domaine en bio.
Le passage en tout bio a été un gain en qualité ? Et commercialement, ce label a joué ?
Plus que le passage au bio c’est la mise en place de la concordance cépage-terroir qui a permis d’avoir un vin plus épanoui. Concernant le label « Agriculture Biologique » bien que ce soit un peu vendeur, au départ je n’ai pas mis le logo. Au domaine Bablut on vend d’abord l’appellation d’origine, puis le nom de domaine et après la façon de faire : le label bio est donc la cerise sur le gâteau. Cependant les conditions de production en agriculture biologique tendent à respecter le produit et donc d’offrir une meilleure qualité. Pour moi, il est là l’intérêt du label.
Et au quotidien, comment consommer-vous ?
Je respecte profondément l’agriculture biologique et raisonnée. Dans la famille on achète majoritairement des produits bio (si ils ne viennent pas de notre propre potager). En revanche, je ne m’interdis pas de manger du fromage qui n’a pas le label « Agriculture Biologique » car je connais mon fromager : c’est un vrai affineur qui a une éthique professionnelle.
Pour aller plus loin, ma compagne est sensibilisée à la taxe carbone. Elle m’a proposé de participer à la MUSE, la nouvelle monnaie locale mise en place en Anjou. J’ai refusé car je ne voulais pas être incohérent : je livre du vin dans toute la France et à l’étranger (un couple d’italiens passe commande pendant l’interview, ndla). Il me semble égoïste de vendre des produits chez le voisin sans vouloir découvrir ses produits locaux…
En somme, je pense que nous consommons 2/3 de produits bio tout compris. Pour l’alimentaire nous n’allons pas consommer des produits hors saison, et nous favorisons la consommation locale. Néanmoins, nous ne nous interdisons pas de découvrir de nouveaux produits venus d’ailleurs.
Expert en vin, auriez-vous un accord met-vin à nous proposer ?
Il y a un plat que j’adore : des coquilles Saint-Jacques à la crème accompagnées d’un Ordovicien. C’est un chenin blanc oxydatif élevé en barrique, cela en fait un blanc riche : c’est extra !
Il y a aussi le Petra Alba. Accompagné d’un plateau de fromages, c’est un régal. D’ailleurs Petra Alba c’est exactement la concordance cépage-terroir. C’est 100% de cabernet franc : le cabernet franc n’aime pas le stress hydrique donc nos sols calcaires correspondent parfaitement à ce cépage. Du surgreffage à l’étiquette en passant le nom ou le bouchon : Petra Alba c’est une aventure superbe !
Merci Christophe pour ces échanges riches et passionnés.
Merci à vous et j’attends avec impatience que Biovor arrive en Anjou.
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